Les marchés tentent de revenir en ville
Adam Sage, Paris, 29 mai 2023
Derrière son étalage de fromages dans un marché parisien, Christophe Chambas est d’humeur optimiste.
« Nous ne sommes pas si mal lotis », dit Christophe, 53 ans, qui vend du fromage depuis 20 ans.
Dans le centre des petites et moyennes villes, 12 % en moyenne des locaux commerciaux sont aujourd’hui occupés, contre 8 % il y a dix ans, selon une enquête gouvernementale.
A Tonnerre, en Bourgogne, le magasin de chaussures, le fleuriste, la boulangerie, le cordonnier et l’agence immobilière ont tous fermé ces dernières années, ce qui donne un taux proche de 40 %.
« Les gens n’ont pas cessé de venir au marché, malgré la crise économique. Il y a même plus de jeunes aujourd’hui ».
Une tendance confirmée par Monique Rubin, présidente de la Fédération nationale des marchés de France.
« Les marchés de rue attirent les gens dans les villes où les magasins traditionnels ferment leurs portes et jouissent d’une certaine renaissance », a-t-elle déclaré : La France compte aujourd’hui plus de 11 500 marchés, contre 9 000 en 2019.
Selon M. Rubin, qui vend des chapeaux à Nyons, en Provence, et à Aubenas, dans le département de l’Ardèche, cette augmentation est due aux maires des petites villes et des villages, qui voient dans la création d’un marché hebdomadaire un moyen de faire revenir les consommateurs attirés par les supermarchés situés à l’extérieur de la ville. Le centre ville est d’un calme décourageant, bien qu’il y ait encore un marché deux fois par semaine.
« Très souvent, le marché est la seule chose qui donne de la vie à ces villes », explique M. Rubin. « Sans eux, nombre d’entre elles seraient abandonnées et sans foi ni loi. Il y a des gens qui ne parlent à personne d’autre pendant toute la semaine, sauf quand ils vont au marché. Je pense que les maires se rendent compte que s’ils veulent rassembler les gens, ils ont besoin d’un marché ».
Un village de Dordogne, a commencé cette année à organiser un marché le mercredi sur la place centrale. Yoann Beaurain, qui y tient un stand de cuisine italienne, a déclaré à la télévision française : « Ces villages sont désertés par les magasins, mais les gens viennent au marché, et c’est ce qui fait vivre le village. »
Madame Rubin a déclaré que les marchés traditionnels français ont décliné avec l’arrivée des chaînes de supermarchés dans les années 1960.
« Elles ont eu un impact considérable. On nous a dit que les supermarchés étaient exceptionnels, qu’on pouvait y acheter tout ce qu’on voulait et qu’ils seraient comme un marché en plein air, mais avec un toit et de l’éclairage ».
Les maires de province en voulaient tous un et « nous avons été encouragés à surconsommer », ajoute M. Rubin. « Mais ces dernières années, le point de vue a changé. De plus en plus de consommateurs veulent manger des produits locaux et venir sur un marché où ils peuvent discuter avec d’autres personnes et être conseillés sur ce qu’ils doivent acheter. »
Les exposants de produits alimentaires semblent mieux s’en sortir que ceux qui vendent des vêtements ou des bibelots. Une enquête réalisée par le journal Le Monde il y a 18 mois a révélé que la vente de produits alimentaires sur les marchés français avait augmenté de 32 % entre 2015 et 2021. Les ventes de produits alimentaires représentent désormais la moitié des recettes générées par les marchés.