,le 05/10/2023
Lundi 11 septembre 2023, Olivia Grégoire, Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme ainsi que Christophe Béchu, Ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, ont lancé le projet sur la transformation des zones commerciales en entrées de ville, lors d’une conférence de presse.
Cette annonce a été complétée par la publication le 4 octobre par le guide Entrées de ville.
Ce programme sera doté d’une enveloppe de 24 millions d’euros (cumulables avec les fonds Verts, Action Cœur de Ville et Petites villes de demain), avec une première vague de lauréats désignés en novembre 2023.
Voilà nos premières réflexions et propositions sur ce sujet très complexe.
Cette déclaration relance le bras de fer qui oppose depuis 60 ans, le nouveau commerce de périphérie et les commerces de proximité des cœurs de ville.
Pour illustrer cette rivalité, on prendrait volontiers l’histoire de David et Goliath, symbole populaire du combat entre deux forces inégales. Il reste donc urgent de faire quelque chose pour ces entrées de villes qui représentent un désastre écologique.
A l’heure de la prise de conscience des dégâts opérés par le modèle urbain du « tout voiture », et de la nécessité de resserrer les villes autour de leur centre pour réduire les déplacements (ville du quart d’heure) et la consommation de terres cultivables, ce sont d’abord les consommateurs qui nous ramènent à la raison en se tournant vers la proximité depuis la crise Covid.
En effet, comme observé depuis 3 ans dans notre baromètre des attentes des consommateurs de centre-ville, commandé à l’institut CSA, le commerce et les modes de consommation évoluent sans cesse.
Progression de l’achat en ligne, retour des consommateurs vers le commerce de proximité, inflation démesurée. A côté de ces tendances, Madame la ministre annonce le chiffre de 72% représentant la consommation globale faite en périphérie, mais il faut dire que ce pourcentage est en baisse constante.
C’est pour toutes ces raisons qu’il apparaît essentiel de bien se questionner sachant que les habitudes des consommateurs tendraient davantage vers une réduction de ces zones.
Sachant qu’un hypermarché de 10000 m2 représente le même chiffre d’affaires que 500 commerces de proximité, soit presque l’équivalent du nombre de commerces du centre-ville de Salon-de-Provence, ne vaut-il pas mieux se battre pour conserver nos artisans, commerçants locaux ou nos marchés qui sont en pleine évolution ?
Après 20 ans d’effort pour revitaliser les centres-villes, est-il déjà l’heure de faire machine arrière en venant au chevet des grandes surfaces pour leur donner une deuxième chance ? Comme si une première injustice n’avait pas suffi, faut-il en créer une deuxième ?
Les centres-villes auront goûté à l’espoir d’une renaissance mais n’auront pas eu le temps d’en apprécier les effets, à l’heure des remboursements de PGE, de l’inflation des coûts des matières premières et des hausses de loyer légitimés par l’ILC (5,37% sur un an) qui vont venir frapper de plein fouet les commerçants dans les mois qui viennent. Pendant ce temps, il reste facile de construire des grands bâtiments en bardage alu en périphérie, avec des grands airs de stationnements gratuits, d’éclairer des enseignes lumineuses de plusieurs mètres de long toute la nuit…
Ces zones commerciales sont un désastre écologique pour nos territoires, qui résulte d’un processus d’étalement urbain, de construction de grands locaux en métal avec une isolation médiocre, de pollution d’espaces naturels et de bordures de routes, dû à une émission importante de déchets plastiques notamment.
A l’heure où le gouvernement prône l’urgence écologique, il serait donc cohérent et nécessaire d’imposer de nombreuses normes de préservation environnementales, comme la perméabilisation des sols, la construction de panneaux solaires sur les parkings, de barrières végétales autour des parkings…
Cependant, la durabilité ne se cantonne pas seulement à la préservation de l’environnement, mais prend en compte également la construction de logements dans le cadre du ZAN. L’objectif est bien de lier commerce et logement, afin de créer des centralités de quartier en périphérie de nos villes.
Les photos et maquettes de certains projets de différentes foncières commerciales liés à cette annonce des Ministres, donnent de prime abord satisfaction quant au fait qu’une réflexion soit menée sur le sujet.
Cependant, nous devons être très vigilants et apporter un cadre très précis dans les textes de loi, afin d’accompagner au mieux les collectivités en réglementant au maximum les aménagements futurs de ces zones commerciales. Développer des centralités de quartier de nos villes paraît essentiel pour désenclaver certaines zones urbaines dépourvues de commerces et de services.
Il est malgré tout nécessaire de rester vigilant afin de ne pas déséquilibrer le centre-ville, lieu essentiel de nos communes, mais tellement fragile.
Les maires, l’État ou encore les régions ont investi beaucoup d’argent, afin de les sauver d’une situation qui était alarmante, il y a encore 10 ans. Ne faisons pas disparaître nos centres-villes en les vidant de leurs commerces et de leurs habitants au profit de ces pôles de centralités en périphérie.
Ces zones de vigilances concernent :
- Le logement : Beaucoup d’investissements ont été réalisés via des programmes nationaux, avec des rénovations de logements en centre-ville. La rénovation étant plus coûteuse que la construction de logements neufs en périphérie, les centres-villes pourraient se retrouver de nouveau désavantagés par rapport à ces nouveaux pôles de centralité. Les collectivités doivent absolument récupérer des terrains qui aujourd’hui appartiennent au privé. Le logement peut également être une source d’innovation, il est nécessaire de mener une réflexion sur les nouveaux modes d’habiter.
- Le commerce : Les modes de consommation sont en plein bouleversement. Comme nous l’avons dit, la vente en ligne continue d’augmenter, la grande distribution des zones périphériques est à bout de souffle. Les grandes foncières commerciales ne se trompent pas, dans les premiers prototypes elles reforment des rues commerçantes avec du logement de R+2 à R+4 par exemple, ainsi que des espaces de convivialité (restaurants, cinémas…). Si nous voulons créer de vrais pôles de centralité, il faut diminuer de façon drastique les m² commerciaux, que les collectivités investissent pour devenir propriétaires de murs de boutiques afin de préserver la diversité commerciale et artisanale. Il faut également maintenir des loyers modérés pour permettre d’implanter ce type de commerçants, en associant les SPLA et les SEM locales dans les projets. Celles-ci sont détenues par les collectivités, elles permettent d’acheter des cellules commerçantes, dans l’objectif de fixer des loyers modérés.
- L’environnement : Il est nécessaire de penser à une politique d’accessibilité à ces pôles, notamment grâce à des transports en commun. Les parkings doivent également être retravaillés avec plus de végétalisation, pour les rendre perméables et clôturés par une ceinture végétale. Ils doivent aussi pouvoir être utilisés par les consommateurs du centre-ville avec un système de Parking Relais.
- La livraison : La refonte et la création de ces nouveaux quartiers constituent une opportunité très importante pour créer des hôtels logistiques, dont le but est, avec l’accroissement du nombre de colis, de réaliser la livraison du dernier kilomètre dans le centre-ville.
La transformation des zones commerciales est nécessaire, l’objectif de lier logements, commerces et services tout en prenant en compte les enjeux écologiques permettrait une métamorphose positive de ces zones commerciales.
Cependant, elle ne doit pas être faite au détriment des centres-villes et il faudra également être vigilant pour qu’aucun coût ne soit imputable aux collectivités et au contribuable.
Même si la somme est peu importante (24 millions), nous pensons qu’elle doit être remboursée par ces grands groupes. Les changements à venir ne doivent pas se faire au détriment des centres-villes, qui restent les seuls lieux susceptibles de réunir l’ensemble de la cité.
Une métamorphose des zones périphériques doit être contrôlée afin de ne pas refaire les mêmes erreurs que par le passé, en ne vidant pas le centre-ville, avec des collectivités qui ne sont pas propriétaires des sols.
Le contrôle peut passer par la cession de 50% des terrains détenus par les grands groupes privés aux collectivités qui pourront ainsi maîtriser le foncier, ce qui permettrait par exemple de développer la réindustrialisation, des hôtels logistiques, des tiers-lieux, des services et tout ce qui touche à la mobilité de demain…
Voilà nos réflexions sur cette annonce tellement importante pour l’avenir de nos villes et de leurs images. Le seul pôle de « centralité » authentique est et doit rester le centre-ville, les autres représentant seulement des centralités de quartier.
C’est pour cela qu’il faut avoir l’avis des membres du Conseil national du commerce ainsi qu’un véritable débat afin de faire des propositions concrètes au gouvernement.