Le temps ne s’arrête pas de courir,
Il ne s’essouffle jamais, entraînant le monde dans des changements déroutants, qu’il s’agisse des conflits armés dans toutes les nations, de la redéfinition de la carte des ressources alimentaires et économiques de la planète ou des progrès de l’intelligence artificielle.
Et pourtant, dans ce merveilleux département du Gard, et particulièrement ici à Nîmes, l’antique Nemausus, indifférente à l’usure des siècles, le temps semble suspendu !!
La belle gallo-romaine, toute de pierres naturelles baignée de soleil, à l’ombre d’un palmier et sous l’œil d’un crocodile, reste un des joyaux de la latinité.
Bien sûr, vous avez entendu parler des incontournables, à ne rater sous aucun prétexte lors de votre séjour à Nîmes.
Vous connaîtrez la symétrie sublime de la Maison Carrée, récemment classée patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.
Vous entendrez la clameur montant de l’amphithéâtre des Arènes, et l’écho des millénaires passés à l’émouvant musée de la Romanité où nous sommes aujourd’hui !!
Traverser Nîmes au tempérament bien trempé, appelée tour à tour la fougueuse, la romaine, la méridionale, c’est traverser le temps, l’histoire, les mémoires superposées.
Et ce voyage colle tout à fait à notre image car pour nous aussi, professionnels des marchés de France, notre histoire est une longue litanie d’amour, de luttes, de labeur, de joies, de rires, d’entraide et de résilience.
Aujourd’hui, lors de ces assises, nous avons pour mission de trouver ensemble des réponses aux interrogations qui nous taraudent !!
Si nous effectuons une marche arrière, lorsque le commerce était appelé informel, nomade ou de rue, les marchands ambulants sillonnaient les villes et les campagnes pour atteindre directement les consommateurs à demeure. En dehors des éventaires des halles, ou des échoppes d’artisans qui vendaient leur production réalisée sur place, une autre pratique commerciale très ancienne consistait à vendre des produits dans l’espace public, aux passants : les transactions se déroulaient à la criée, aux carrefours, la rencontre entre le vendeur et le consommateur, le contact était direct, sans murs, sans entraves !
Que découvrons-nous aujourd’hui ?
Que toutes les nouvelles tendances au développement des transactions commerciales, se sont inspirées de notre fonctionnement : ventes directes, en ligne… grand nombre de distributeurs poussant même le bouchon jusqu’à ne plus avoir d’établissements de vente au public puisqu’ils n’opèrent plus que par Internet qui est devenu inévitable.
Faut-il pour autant sacrifier sur l’hôtel de la seule digitalisation ce qui a toujours fait notre force ? L’accueil, le contact, le conseil, le sourire !!!
Surtout pas car depuis la crise Covid, les professionnels que nous sommes ont su s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs en matière de commodités et de choix !
Les modes d’achat ne sont plus uniquement basés sur des critères socio-économiques tels que le revenu, l’âge ou la localisation. Les consommateurs français sont sensibles aux produits locaux et divers.
D’après une étude IFOP, ils achètent presque autant au marché qu’en grande surface !
En 2024, le commerce non sédentaire s’affirme comme un pilier incontournable du paysage commercial. Les 10683 marchés en France (90% de plein vent et 10% de halles) représentent 32 296 entreprises alimentaires, 89 000 entreprises en produits manufacturés et diverses, sans compter les milliers de petits producteurs et agriculteurs; pour un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros, avouez que les marchés sont une force économique plus que significative.
Pour assurer leur pérennité, nous devons travailler sur quatre critères essentiels :
-la numérisation des marchés et leur visibilité en ligne : création de site web, de plateforme, une présence accrue sur les réseaux
-la diversification de l’offre en produits manufacturés : nous devons nous démarquer de la concurrence à bas coût et attirer une clientèle plus variée
-l’innovation et la créativité : nouvelles expériences d’achats, dégustations, ateliers cuisine, événements spéciaux pour créer une valeur ajoutée pour les consommateurs en les incitant à choisir les halles et marchés plutôt que d’autres options !
-la collaboration et la coopération : on doit développer une stratégie commerciale, une gestion élargie en lien constant avec les professionnels des marchés, les commerces locaux et les agriculteurs.
Un marché est efficace quand les acteurs consommateurs et professionnels, sont nombreux et bien informés et qu’aucun obstacle n’intervient pour empêcher la confrontation de l’offre et de la demande ! Surtout pas d’interventions arbitraires sur les charges mais malheureusement l’explosion démesurée et injustifiée des tarifs des droits de places ne s’est pas contenue en 2023 !!
Mesdames, Messieurs les élus il est grand temps d’arrêter d’assassiner les professionnels qui veulent juste vivre de leur métier !
Ne vous plaignez plus que vos marchés manquent de commerçants car peu peuvent payer des redevances supérieures au loyer des magasins de vos villes, il faut bien comprendre que les taxations exponentielles que nous subissons diminuent la vitalité des marchés privant ainsi les administrés d’un véritable service public.
N’oublions pas que les changements dans la gestion des déchets réduisent considérablement la note imputée aux commerçants ! Ces derniers font des efforts, ils doivent être pris en compte et ne pas être considérés par les élus comme des précaires taillables et corvéables à merci !!
Nous exigeons le respect de l’article L.2224/18 du CGCT pour la consultation des droits de place dans toutes ses dispositions et engagerons systématiquement un recours administratif envers toutes les mairies qui ne respecteront pas cette obligation !
Demain sera ce que nous voudrons qu’il soit !
Notre priorité, notre phare, notre lumière dans la nuit, c’est la sauvegarde de nos entreprises
Bien sûr, nous aurions vivement souhaité la présence de Madame Olivia Grégoire, ministre déléguée aux entreprises, à ces assises, mais la longue attente de nomination au nouveau gouvernement a peut-être eu raison d’un déplacement à Nîmes !!
Nous remercions Monsieur Thierry Mandon, secrétaire général du conseil national du commerce pour sa grande accessibilité et son écoute attentive qui en font un allié sûr, c’est pourquoi nous lui demanderons d’être notre porte-parole et de prendre en compte les revendications suivantes :
1-L’intégration obligatoire des organisations professionnelles dans les comités de pilotage du programme « action cœur de ville » ou « petites villes de demain »
D’après le 8ième baromètre des centres villes et des commerces, l’arrivée de halles gourmandes dans les cœurs de ville est plébiscitée à 95% !!! Certes les halles sont un maillon de l’armature commerciale du territoire. Mais attention, en cas de requalification, elles ne peuvent pas être traitées de façon isolée mais conjointement au plan global de redynamisation du cœur de ville !!
Vigilance également à ce que les critères de rentabilité et de favoritisme ne soient pas les lignes conductrices d’un projet, que les financements alloués ne le soient pas au profit de constructions de halles gourmandes, concurrentes inavouées de nos marchés de plein air ou fossoyeuses de nos halles traditionnelles.
Ainsi, trop souvent, sont carrément exclus du retour dans ces nouvelles halles les commerçants, artisans, producteurs trop « populaires » « bon marché » dont l’image « chip » et la clientèle ne plaisent pas ou qui pourraient concurrencer les locataires de ces nouvelles galeries de restauration aux loyers souvent prohibitifs.
Tous ces sujets doivent impérativement être traités en présence des organisations professionnelles, voilà pourquoi nous devons être extrêmement attentifs. Cette absence de consultation est une lacune par rapport à l’article L2224-18 qui doit être comblée au plus vite !! Nos voix doivent être prises en compte dans les décisions qui nous concernent directement.
N’oublions pas que, un peu partout en France, les petits commerces de centre-ville ferment en silence, concurrencés par les grandes surfaces et galeries en périphérie qui n’ont de cesse de les assassiner par des promotions et publicités à la limite de la légalité, et les maires s’en désolent.
Alors ils demandent à l’État (c’est à dire la solidarité nationale) des subventions pour revitaliser leurs rues commerçantes. Mais à peine l’argent encaissé, certains maires autorisent… de nouvelles grandes concurrences de périphérie !!!
On pourrait se réjouir de quelques belles réussites où les marchés ont été pris en compte, les organisations professionnelles consultées, hélas, sur les 222 communes du plan « Action cœur de ville », 67 – soit près d’une sur trois, ont autorisé depuis l’an dernier des créations ou des extensions de grandes surfaces !!!
Et la situation risque de s’aggraver puisqu’un plan de soutien à la rénovation des entrées de villes et des périphéries est prévu pour 2024 !!
2-Renforcer la sécurité des biens et des personnes sur les marchés et alentours :
Les marchés des grandes villes ou des villes moyennes sont de plus en plus confrontés à une recrudescence de ventes à la sauvette, trafics de cigarettes, vente de contrefaçons ou de produits interdits et/ou illicites, qui mettent en danger la sécurité de nos clients, de nos commerçants, de nos placiers. Ces ventes sauvages représentent un problème majeur. Elles nuisent à nos activités en créant une concurrence déloyale. Ces pratiques illégales transforment certains marchés en zone de non droit !! La police municipale, la police nationale ou la gendarmerie n’arrivent plus à en venir à bout ! Nous devons obtenir un environnement sûr pour nos employés, nos clients et pour nous. Nous devons travailler ensemble pour mettre en place des mesures de sécurité adéquates afin de prévenir les incidents et de dissuader les comportements indésirables.
Nous exigeons des moyens efficaces de lutte contre l’insécurité réelle afin de protéger nos commerçants établis et l’application des textes de lois en vigueur pour toutes ventes aux déballages et vides greniers !
Aujourd’hui, au-delà de l’activité de promotion et d’approvisionnement en produits de saison, locaux, artisanaux, manufacturés, les marchés sont devenus de véritables marqueurs de la culture et de l’image des territoires. Les marchés ont une philosophie basée sur l’entraide, le partage, la solidarité, la confiance, l’écologie, la justice, le bien-être etc….
3-Nous sollicitons la création d’un comité spécifique commerce non sédentaire au sein du conseil national du commerce pour traiter tous ces sujets qui nous sont propres et ainsi intégrer le commerce non sédentaire dans les plans d’activités touristiques durables.
Dans cette période de transition profonde qui va nécessiter collectivement de créer un nouveau monde, je peux vous affirmer que nous sommes à l’échelle de cette future société car j’estime que nous, les professionnels des marchés, nous sommes des « inventeurs ».
Au-delà du fait qu’on ne pense pas toute la même chose, et dans la situation difficile dans laquelle nous vivons, essayons au moins de considérer que le voisin qui ne pense pas la même chose que nous n’est pas un abruti.
Et peut-être que l’on peut considérer que chacun d’entre nous détient une toute petite parcelle de solidarité et de vérité qui fait que, tous ensemble, on pourra assumer les crises que nous traversons.
Nous, responsables syndicaux, sommes en effet la dimension nationale et locale de la représentation du commerce ambulant. Nous sommes confrontés aux réalités du terrain. De par la nature de nos responsabilités, nous sommes trop souvent confinés dans notre job à ne croiser que celles et ceux qui ont besoin de nous, que celles et ceux qui nous demandent de répondre à ces besoins. Bien sûr, c’est essentiel ! Mais au-delà de ces missions, nous créons, nous valorisons, et surtout, nous réinventons.
Et, dans ce contexte, le marché continuera à être, un véritable enjeu sociétal et un service indispensable à la population !
Les professionnels des Marchés de France ne sont pas des râleurs, ou alors contre la météo qui n’est jamais tout à fait à leur goût !!
On ne les entend que trop rarement, pas de pétitions, pas de grèves, pas de blocages : l’âge de la retraite : hors sujet, quant aux revenus, pour grand nombre d’entre eux, une misère au prorata du nombre d’heures effectuées par semaine !!
Il est temps de comprendre que la mission première d’un chef d’entreprise est de faire vivre et de développer son entreprise. Nul besoin de “charger la barque”… On commence à en avoir marre de cette litanie d’initiatives concernant les simplifications administratives prises par nos dirigeants successifs.
Elles sont confiées à des ronds de cuir qui ne connaissent même pas nos métiers, nos contraintes et nos prises de risques, les laisser faire c’est comme demander à des alcooliques de ranger des caves à vin !!
L’économiste Fernando de Soto, en 1986, a soutenu que les excès de réglementation du secteur formel, en bridant l’esprit d’initiative, obligent les petits acteurs économiques à jouer en dehors des règles !
Alors, pour ne pas réduire le commerce ambulant à une manifestation de l’informalité, pour éviter que l’on n’accepte plus aucune règle et que l’on travaille comme nos ancêtres, colporteurs ou indigents, sous le couvert du seul décret d’Allarde qui prône la liberté du commerce, un peu plus de soutien et de considération seront nos crédos tout au long de l’année
Merci pour votre écoute !
Monique RUBIN