Articles des Affiches Parisiennes n°48 du 3 décembre 2021
Propos recueillis par Boris Stoykov
A l’heure où les Pouvoirs publics multiplient les initiatives pour dynamiser les centre-villes, les marchés de France tiennent une place prépondérante. Pour Monique Rubin, la présidente de cette fédération nationale des professionnels qui interviennent sur le domaine public, « si l’on veut faire vivre nos cœurs de ville, c’est l’ensemble du commerce et des indépendants qui doivent s’unir pour contribuer à séduire les consommateurs ».
Affiches Parisiennes : Pouvez-vous nous parler de votre fédération nationale ?
Monique Rubin : Notre fédération nationale est une très vieille dame puisque nous allons fêter ses 100 ans cette année, à Epinal, où elle a pris naissance, à la suite d’un mouvement de revendication mené par des femmes pressurisés par des situations complètement anormales. Ce mouvement de révolte a surpris les élus et les politiques d’alors, qui n’auraient jamais pensé que des commerçants de marché pouvaient se structurer. Or, il a fait tache partout, en France.
Maintenant, la fédération nationale a son siège 14 rue de Bretagne, à Paris. Nous regroupons 100 structures syndicales et 12 000 adhérents, répartis dans tout l’Hexagone. Tous sont des personnes qui exercent une activité de distribution sur le domaine public. Ce sont donc des commerçants, des producteurs, des agriculteurs, des artisans, etc. À partir du moment où on est sur le domaine public, on peut adhérer. C’est une adhésion libre, même si on aimerait qu’elle soit obligatoire.
A.-P. : Vous assurez donc un lien entre les commerçants et les municipalités ?
M. R. : La spécificité de notre profession est que nous exerçons sur le domaine public, que nous sommes une profession réglementée qui obéit à des règles strictes. Les professionnels respectent le règlement type des Marchés de France. Notre fédération a travaillé dernièrement afin de le mettre en conformité avec les textes de lois récents, en collaboration étroite avec les fédérations de la CGAD. Avec ce règlement de marché, nous défendons, bien sûr, les intérêts de nos adhérents, mais pas seulement. Du fait que nous sommes sur le domaine public, il est important d’avoir les meilleures relations avec les collectivités locales. Il faut qu’on ait un partenariat avec nos maires, qu’on échange avec nos élus. Aujourd’hui, le plus important pour nous est surtout de travailler main dans la main avec les commerçants sédentaires, parce que nous sommes-là pour la pérennisation du commerce en cœur de ville. Et les marchés sont vraiment la dynamique des cœurs de ville. Il ne peut pas y avoir un centreville dynamique, s’il n’y a pas un marché, c’est indispensable et ça apporte une attractivité aux commerces sédentaires. Face aux grands groupes de distribution, si l’on veut faire vivre nos cœurs de ville, c’est l’ensemble du commerce et des indépendants qui doivent s’unir pour contribuer à séduire les consommateurs.Avec la crise Covid, on s’est rendu compte à quel point nos clients sont attachés à ce lien social que l’on peut représenter. Nous sommes ce lien de convivialité, d’union. Nous avons des populations qui ne connaissent que les marchés, il faut le savoir. Les marchés, c’est un tout, du très populaire comme du plus bobo, et on doit se satisfaire tous les publics pour pouvoir arriver à nos fins.
A.-P. : Le marché a indéniablement un poids économique pour sa commune. Comment aidez-vous les élus qui veulent être attractifs avec leur marché, voire concurrencer ceux des villes voisines ?
M. R. : On sera toujours aux côtés de nos élus qui feront appel à nous, à la Fédération des marchés de France ou à ses syndicats locaux, pour essayer de trouver la meilleure solution possible pour dynamiser leur marché. Comme je le dis, un marché fonctionne bien quand on a un élu qui a la volonté d’avoir un bon marché, quand on a un placier qui a la volonté de bien s’occuper de son marché et quand on a un très bon règlement de marché. Avec ces trois facteurs réunis, les commerçants non sédentaires qui seront présents resteront-là, seront fidèles et offriront aux clients leurs meilleurs produits, la meilleure allure de marché, qui fonctionnera de mieux en mieux.
A.-P. : Et comment aidez-vous les commerçants qui veulent justement s’installer sur les marchés ?
M. R. : Ça, ce sont les petites ficelles internes. On n’a pas nous, en tant qu’organisation professionnelle, le pouvoir de dire « c’est mon adhérent, je veux qu’il ait la meilleure place ». Ce n’est pas possible. On est sur le domaine public, on respecte les principes de notre constitution, donc l’égalité. Je n’ai pas à privilégier quelqu’un au détriment d’un autre.
Si le commerçant est adhérent au Marché de France, s’il présente une belle qualité de produit, il aura un petit coup de pouce de notre part, on pourra le conseiller au maire qui essayera de le faire venir et lui obtenir un emplacement. Ce sont des discussions que nous avons avec nos élus, et nous les invitons d’ailleurs à constituer des commissions de marché, en interne avec les organisations professionnelles.
Une récente étude menée dans de nombreuses villes, a montré que 35 % de consommateurs en plus viennent le jour du marché et découvrent le commerce de centreville. Il ne faut pas que les commerçants sédentaires refusent de voir le marché devant chez eux. Tout cela se négocie, se discute. Le dialogue et la concertation sont vraiment l’essentiel.
A.-P. :t Etes-vous actuellement toujours commerçante ?
M. R. : Bien sûr, j’adore mon métier de commerçante sur les marchés, je ne peux pas m’en passer, même si j’y consacre moins de temps. J’habite la Drôme, je suis Ardéchoise de naissance et je travaille sur les marchés en Drôme-Ardèche. J’ai encore trois marchés où je suis en fin de semaine. J’y vends de la chapellerie.
A.-P. : Existe-il encore des chapeaux Made in France ?
M. R. : Ça devient très compliqué, mais on a encore que deux ou trois fabricants qui fabriquent français. Le tout, c’est que nos consommateurs souhaitent vraiment pouvoir acheter un produit made in France. On incite et on se bat par rapport à ça parce que nos marchés perdureront si on assure au niveau qualitatif. La mondialisation a fait énormément de tort, on a tout tiré vers le bas. L’arrivée massive des commerces de périphérie n’ont fait que « du bas de gamme », je suis désolé de le dire, et certains de nos collègues se sont engouffrés dans ce système-là. Maintenant, il faut remonter vers le haut qualitativement, c’est indispensable si l’on veut encourager le made in France. On a aussi des produits européens qui sont de très bonne qualité. La chapellerie made in Italie, leurs casquettes et leurs chapeaux de feutre sont formidables. Sur les marchés, on trouve aussi le vrai Panama, j’en vends mais à partir de 100, 150 euros à minima donc, il faut avoir la clientèle pour cela. On a une clientèle européenne qui est très amatrice de ce genre de produit.
A.-P. : Le bio commence à faire son apparition sur les marchés, certains le sont totalement certains jours dans certaines villes. Comment voyez-vous cette évolution ?
M. R. : C’est très important d’avoir du bio mais on ne peut pas focaliser que sur un marché bio, que sur un marché de producteurs. Pour nous, ce qui est très important, c’est le principe d’égalité pour tous et le domaine public est ouvert à tous. S’il est très important d’avoir des agriculteurs, des produits bio sur nos marchés, il faut qu’ils soient accueillis à l’intérieur de nos marchés et non pas faire un marché de producteurs parce que de toute façon, il sera voué à l’échec car ils n’ont pas de la production à fournir à longueur d’année. Un marché où on accueille des producteurs, oui, les portes doivent leur être grandes ouvertes mais ne faisons pas que des marchés spécifiques, thématiques.
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