La renaissance du syndicalisme forain
Quelques jours avant l’armistice du 8 mai 1945, le mouvement syndical forain au 24ème Congrès National de Paris, sous l’impulsion du Président Gibily adopte et modifie ses statuts : il prend le nom de « Fédération Nationale des Syndicats des Commerçants Non-Sédentaires et reprend la propriété de son journal Le Syndicaliste Forain »
Au regard des archives fédérales, Albert Cansi sera le président de cette renaissance.
En 1948, au 27e Congrès National de Strasbourg (Bas-Rhin), succédant à Paul Gibily, Hyppolyte Albert Cansi accède à la Présidence de la «Fédération Nationale des
Syndicats des Commerçants Non-Sédentaires» et devient le 4e Président.
Au 39e Congrès, il devient Vice-Président et laisse son siège de Président au Secrétaire Général Henri Charles Amédée Errant.
Il sera réélu Président en 1961 au Congrès National de Marseille. Après 22 ans de présidence, son mandat s’achèvera à sa demande au 49ème Congrès National à Lyon (Rhône) en 1970.
Suite au congrès de Strasbourg, la fédération redevient une organisation purement syndicale.
Le 30 novembre 1949, le haut-commissariat au Ravitaillement est supprimé. Suppression des tickets de rationnement. C’est la fin de neuf années de restriction.
Dans ce laps de temps, depuis la fin de la guerre, la fédération déclenche une grande mobilisation contre le plan Mayer sur la fiscalité. Parallèlement, les démarches entreprises depuis la fin de la guerre pour obtenir pour les commerçants non-sédentaires davantage d’essence et de pneus se poursuivent sans relâche. Ces produits toujours rares sont distribués avec parcimonie par le gouvernement et suivant des privilèges dont sont exclus les commerçants.
Au 27ème congrès de Strasbourg en 1948, la Fédération quitte donc la C.G.C.I et redevient une organisation purement syndicale.
Après le bouleversement de la guerre et les difficultés de l’économie d’après-guerre, le monde des syndicats patronaux et ouvriers est en pleine mutation.
La structure patronal « Fédération Nationale des Syndicats des Commerçant Non-Sédentaires» redevient syndical et revendicatif.
Au niveau des syndicats ouvriers, scission au sein de la Confédération Générale du Travail, fondation du syndicat Force Ouvrière et dans l’enseignement, fon-dation de la Fédération de l’Éducation Nationale.
Les archives fédérales nous révèlent, qu’en mars 1952, la fédération doit faire face aux attaques qui menacent dangereusement le petit commerce. Tout d’abord, au niveau des marchés et des localités un mouvement de grande envergure commence à Châteauroux (Indre) contre la municipalité qui a décrété de déplacer le marché vers une zone périphérique qui signifierait sa mort, le syndicat appelle ses adhérents à la grève.
Au regard de cette démarche, il apparaît qu’une organisation syndicale de défense professionnelle est seule susceptible de préserver les droits contestés des groupements corporatifs, en cela, en ligne droite du congrès de Strasbourg la fédération nationale reprend «son rôle de défense de la profession».
Le Président Cansi affronte en 1955, «Une menace de sécession qui risque d’amoindrir la Fédération dont l’autonomie doit rester indiscutée.»
La Fédération conduite par le Président Cansi met en place des décisions des congrès fédéraux telles que le principe des Unions Régionales et la création de Commissions Paritaires dans chaque ville.
L’une des préoccupations importantes pour Albert Cansi fut la montée du mouvement Poujadisme né en 1953 et des conséquences sur l’activité de la fédération.
Pour Guy Piriou, le narrateur de l’historique de la Fédération :
«Le fait le plus marquant de cette année (1955), du point de vue du petit commerce et du syndicalisme, est l’ampleur prise par le mouvement Poujade, né à Saint-Céré, depuis un moment déjà, mais qui fait maintenant beaucoup parler de lui.
En début d’année, par un article du «Syndicaliste», Cansi, qui n’a pas l’habitude de se laisser dépasser par les événements, fait une importante mise au point.
Si la fédération conserve absolument son autonomie, il se joint personnellement sans réserve aux revendications du mouvement de Saint-Céré, que la Fédération défend d’ailleurs elle-même, depuis sa fondation, au lendemain de la première guerre mondiale. En attendant, la fédération appuie le mouvement Poujade et une collaboration avec lui semble projeter, avec lui, tant qu’aucune divergence n’interviendra entre les deux partenaires, qui ne se sont nullement engagés l’un envers l’autre.
La cible principale de ces revendications est toujours la fiscalité et notamment l’amendement Dorey, qui suscite en début d’année une suite de grèves et de manifestations.
Ces actions sont souvent communes mais un débat important qui a lieu au siège de la Fédération, le 26 janvier, met en garde les CNS affiliés contre la menace de sécession qui risque d’amoindrir la Fédération dont l’autonomie doit rester indiscutée. A la fin de l’année, les relations se tendent entre les deux organisations.
En novembre, Cansi reçoit du président du mouvement Poujade, une sorte d’ultimatum, qu’ose à peine appeler une invitation, qui lui demandait de préciser son programme d’action et de soutien à Poujade, sous peine d’organiser une importante sécession dans la Fédération. La réaction du Président Cansi, on s’en doute, est immédiate et vigoureuse. Celui ci ne cache pas ses sentiments. La Fédération, dit-il, n’est aux ordres de personne et elle ne connaît ni tyran, ni capitaine ayant droit de vie et de mort sur ses sujets. Quant à l’action envisagée déclare Cansi, elle dure depuis 35 ans!
Dans un langage assez vert, il ajoute ne devoir se subordonner à personne, pas même au roi des cornichons, puis, il termine par des condoléances.
Cette vigoureuse prise de position montre, une fois de plus, que si chaque adhérent est libre de ses choix, la F.N.S.C.N.S. elle même, ne se rangera jamais sous une bannière, qui n’est pas la sienne».
Le Président Cansi, un homme d’avenir.
Si les ascendants d’Albert Cansi, étaient des marchands forains voyageurs qui parcouraient toute l’année la France, lors de leurs naissances, ceux-ci à l’Etat-civil, étaient notifiés «nés de passage ». Lui, Albert Hippolyte, né de passage dans le département de la Creuse dans la ville de La Souterraine, devient en 1930 Commerçant Non-Sédentaire et se fixe à Argenton-sur-Creuse dans l’Indre. Albert Cansi, fut un militant de la cause foraine, dirigeant dès 1932 du Syndicat des Marchands Forains de l’Indre affilié à la Fédération Nationale des Syndicats des Usagers des Foires et Marchés, il devient après la deuxième guerre mondiale l’un des artisans de la renaissance du syndicalisme forain. C’est sous son mandat que la fédération acquit son siège fédéral dans le 3e Arr. de Paris, 14 rue de Bretagne.
Cette renaissance, sous le mandat d’Albert Cansi de 1948 à 1970, ne put s’effectuer qu’avec le concours de nombreux militants non-sédentaires tels que :
■ Henri Charles Amédée Errant, Tours, Indre-et-Loire ■ René Constant Jacqueson, Banlieue-Est, Seine ■ Albert Crassat, Bordeaux, Gironde ■ Elie Douyère, Calvados ■ Lagrange, Haute-Vienne ■ Larghy, Seine ■ Lucante, Haute-Garonne ■ Pierre Maré, Yonne ■ Megean, Loire-Inférieure ■ Merle, Rhône ■ Eugène Henri Midon, Toulon, Var ■ Joseph Aimé Auguste Batty, Vichy, Allier ■ Lebourgeois Rouen, Seine-Inférieure ■ Leblond Juvisy, Seine ■ Delfau Corrèze ■ Besnard, Deux-Sèvres ■ Russeil ■ Barat, Bordeaux, Gironde ■ Glize, Haute-Vienne ■ Coutray, Indre-et Loire ■ Laroze, Rhône. ■ L. Haussard, Corrèze ■ Nozeran Toulouse ■ Armand Abraham Gelfmann, Saint-Denis, Seine ■ G. Soreau, Levallois-Perret, Seine ■ Besse ■ Charles François Henri Lapierre, Montreuil, Seine ■ Eugène Zigs, Bas-Rhin ■ Brochot. ■ Armand Abraham Gelfmann, Saint-Denis, Seine ■ Brunhiens ■ Fabre, Bouches-du-Rhône ■ Démolis ■ Valteau ■ Singermain Région Sud-Paris, Seine ■ Victor Houselstein, Loire ■ Millet Avignon ■ Capel ■ Feuscher ■ Léger Lyon ■ Jean René Granger, Libourne, Gironde ■ Philippat, Rhône ■Gilbert Richard, Paris, Seine ■Hostingue ■ Garambois ■ Rosières ■ Chemin ■ Pages Lyon ■ Torelli, Isère ■ Marcel Eugène Marie Bancharel Saint-Denis, Seine ■ Rouxel Côtes-du-Nord ■ Bourhis Calvados ■ Loiseau Loire-Inférieure ■ Lucien Adouay Kremlin-Bicêtre, Seine ■ Legros Marne ■ Chomine ■ Deltrieu, Cantal ■ Laville Banlieue-Est, Seine ■ Biegatch, Haute-Vienne ■
Le Foll Banlieue-Sud, Seine.
Pour conclure, je cite un extrait du rapport moral du Président Cansi, pour le 39e
congrès de Limoges (Haute-Vienne) en février 1960, qui illustre cette renaissance du syndicalisme forain et de la fédération, la «Fédération Nationale des Syndicats des Commerçants Non-Sédentaires»
«La Fédération n’est plus un organisme ignoré et méconnu, mais dispose au contraire d’une attention bienveillante et considérée. L’instrument en place depuis bientôt 40 ans fonctionne sans grincement. Il ne demande qu’à être perfectionné.».
Le Président : Cansi
Par Jacques Brisset
Syndicat MDF Libournais